Origines et concept




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La Gare-Usines et le quartier Italien au début des années 1980. © Archives du CDMH - Fonds Facchinetti.



Lorsque l'équipe de l'ASBL Centre de Documentation sur les Migrations Humaines a été dotée de la Gare-Usines au Quartier Italie pour y développer ses idées - parmi lesquelles notamment un projet de Musée des Migrations - elle a senti le besoin de se faire accompagner par un regard extérieur pour affiner un projet muséologique. La mission d'un musée reste certes de collecter et de conserver, mais de nos jours une telle institution ne peut se résumer à la fonction de cimetière d'objets, seraient-ils vénérables. Ce constat est d'autant plus contraignant pour un musée des migrations qui ne s'intéresse non pas à une réalité morte, mais à un phénomène qui perdure. Comment se procurer ce regard extérieur alors qu'il ne pouvait pas être question pour une ASBL de faire appel à un cabinet conseil spécialisé comme il est devenu d'usage pour les grands projets nationaux ? La solution s'est esquissée au détour d'un numéro spécial de Musée, le périodique du Musée national d'Histoire et d'Art, présentant des études réalisées par une équipe d'étudiants du département d'architecture et d'urbanistique de la Miami University sous la direction du professeur John Reynolds. Ces études ne prétendaient pas proposer des solutions architecturales immédiatement transposables, mais invitaient à une réflexion sur la mémoire des lieux qu'elles exploraient. L'équipe qu'il nous fallait était trouvée!


L'idée fondatrice du musée


Depuis 1993 trois charrettes (sessions de travail d'architectes) ont permis d'affiner progressivement le projet d'un musée des migrations. Au départ, la tâche assignée aux concepteurs de musée n'était pas facile. Comment introduire un musée des migrations dans la Petite Italie, quartier où l'immigration reste d'actualité, sans assigner les habitants à résidence? Quelle configuration donner à ce musée, alors que les surfaces d'exposition seront nécessairement très réduites au sein de la Gare-Usines?

Très rapidement l'idée d'un Museum without Walls s'est imposée. Le musée ne doit pas rester confiné à la gare, mais débordera dans la Petite Italie, quartier correspondant parfaitement au patrimoine social tel qu défini par le Conseil de l'Europe. Cette notion ne caractérise pas des lieux beaux en soi, comme une cathédrale romane ou un château Renaissance, mais des sites qui témoignent d'une situation sociale particulière et qui à ce titre méritent conservation. La Petite Italie est un quartier typique des temps héroïques de l'industrialisation. Collé à flanc de coteau entre le carreau de mines et l'usine, il représente un témoignage unique de l'habitat ouvrier du début du XXe siècle. Mordant sur la colline, il a bénéficié de solutions que l'on pourrait qualifier de méditerranéennes imaginées peut-être par ceux de ses habitants venus du Sud: couloirs souterrains pour relier les différents niveaux d'occupation, balcons, jardins suspendus, escaliers volants. L'intérêt sans cesse renouvelé que suscite ce quartier auprès des visiteurs venus de près et de loin, nous a convaincu que l'équation muséologique the walk is the gallery proposée par l'équipe de la Miami University est la bonne.


Regards vers le futur - est-il permis de rêver?


Le Quartier servant de coulisse, des éléments légers appelés « follies » viendront compléter le décor et serviront de support pour exposer des documents liés à l'histoire des migrations au Luxembourg: la mine, l'usine, le travail des femmes, le commerce « ethnique », la vie associative etc. Le projet proposé s'inspire de l'expérience du New York Lower East Side Tenement Museum, une institution fonctionnant dans un environnement similaire à celui de la Petite Italie, dans un quartier où l'immigration continue. Le Museum without Walls demandera à ses gestionnaires une importante présence sur le terrain. Ils ne pourront pas se contenter d'être les archivistes du passé, mais devront aussi se muer en ethnologues du présent. Le dialogue avec les habitants du quartier qui d'italiens sont devenus portugais au fil des décades permettra de s'engager dans la voie d'un living museum, c'est à dire un musée qui enregistera les changements qui se produiront sur le terrain et qui de ce fait se
présentera au visiteur sous un jour sans cesse renouvelé.

Tel était le projet ambitieux imaginé par les jeunes architectes de la Miami Université à partir de 1993. A-t-il vocation à être réalisé? Le temps le dira!

En attendant les animateurs du CDMH proposent d'aller sur le terrain, de découvrir les quartiers historiques de la ville au cours de balades patrimoniales.